Sunday, December 19, 2010

Fr. 17 Nov. - Post Orgasmic Chill [Skunk Anansie]

En mettant de l'ordre chez moi (ça arrive...), je suis tombé sur une caisse pleine de CDs de musique enfouie au fond d'un tiroir. Ma première réaction était celle de l'enfant redécouvrant un vieux trésor: l'anticipation de plein de bons souvenirs et remettre la main sur toute cette musique jadis adorée et tombée depuis dans les oubliettes suite à de nombreux déménagements.

L'euphorie a été de courte durée puisque je me suis vite rendu compte, après le «Aaaaah! C'est là qu'ils sont, tous mes CD de Hooverphonic!», que leur contenu intégral est en fait déjà sur mon disque dur, soit que je l'aie copié en temps utile depuis lesdits CDs, soit (plus probablement) que j'aie fait appel à un backup des mêmes CDs qu'un gentil internaute anonyme a eu la présence d'esprit de mettre online, précisément pour les gens qui déménagent beaucoup et qui perdent leurs CDs puissent au moins en retrouver les contenus.



Et bon, toute cette histoire a emmené mon esprit vagabond (l'esprit vagabonde pas mal, quand les mains se battent avec un balai et des chiffons) vers la prise de conscience que j'ai été témoin du cycle de vie complet du CD.
(à suivre...)

Fr. 17 Nov. - Topolino [Lush]

1. La révolution numérique, 1989
Je me souviens encore l'achat en 1989 de mon premier CD (... avant même l'achat de mon premier lecteur de CD quelques mois plus tard, ne cherchez pas la logique), tout le fatras marketing au sujet de la "pureté du son digital", les labels "AAD", "DDD", les incontournables ré-éditions "son remasterisé numériquement", et le prix lui aussi adapté au numérique (l'album vinyl se vendait à 450 Francs Belges, et le même CD à 700, mais ça valait sûrement le coup parce que le son numérique ADD sonnait tellement plus pur que le son démodé et vieillot du vinyl... ah non?).

Pour moi, les années 90, c'étaient celles (bénies!) de la Brit Pop (Lush, Happy Mondays, la guéguerre Blur vs. Oasis) et du post-grunge US (Pixies, Nirvana etc.)... Autant dire un son délicat et subtil qui a bien besoin de toute la perfection digitale pour en apprécier toutes les nuances!


Période musicalement intense que j'ai donc traversée avec une surtaxe de 40% «pour éviter de faire couler le marché du vinyl précipitamment» (sisi! c'est l'excuse mainte fois répétée par mon deal disquaire favori). Mais bon au passage, je recevais mes doses de musique dans des petites boîtes en plastique et pas dans des grandes pochettes en carton: plus pratiques, je pouvais donc en acheter plus à la fois (sauf que ça coinçait plus vite au niveau du terminal de la carte-banque).
Mais quand on aime on ne compte pas, et je me suis donc retrouvé en un temps record inondé d'une montagne de boîtes de plastiques.


Ensuite, on s'est rendu compte que le CD, objet prétendument éternel dans sa perfection, se retrouvait souvent griffé après quelques dizaines d'écoutes; qui plus est, le lecteur CD, nettement moins éternel, se mettait après un ou deux ans à ajouter sa propre créativité aux œuvres musicales numériques, sous forme de sauts de sillons, répétitions indésirées et autres...
Les spécialistes en blâmaient la stabilité précaire du mécanisme de lecture (enfin en général, ils blâmaient le problème contre lequel justement le dernier modèle en vitrine avait une parade absolue), et je me souviens avoir acheté un modèle haut de gamme qui résolvait ce problème à grands renforts de mécanique de stabilisation... à peu-près au moment où le lecteur de CD bas de gamme trouvait une place pour 20 Euros dans chaque ordinateur où tous ces problèmes étaient parfaitement inexistants (y compris dans les portables), pour le coût d'une petite mémoire tampon entre ledit CD et la restitution du son. J'avais payé pas loin du prix d'un ordinateur complet, pour la machine super-sophistiquée qui arriverait enfin à extraire de ces fameux CDs la quintessence de la pureté numérique inaltérée de leur contenu, et ce avec une espérance de vie considérablement plus élevée que celle de la garantie (ils n'ont d'ailleurs pas menti, la machine existe et fonctionne toujours et est même encore utilisée, deux fois par an!)

Fr. 17 Nov. - The Alternative [I am X]

2. (Re-) passez par la case "tiroir-caisse", 1994
En moins de 5 ans, le CD avait envoyé le vinyl aux oubliettes, les chaînes hi-fi (tiens, un autre truc du passé...) n'avaient en général plus de turntable, Ikea vendait des meubles à CDs de toutes formes et couleurs... et comme mes bons vieux vinyls ne rentraient ni dans les meubles d'Ikea ni dans le lecteur CD, j'ai bien dû me résoudre à les remiser dans une caisse dans la cave et... en racheter une bonne partie au nouveau format, si je voulais continuer à les écouter! Ca tombait assez bien: les maisons de disques, dans leur grande opportuni... mansuétude, bombardaient le marché de rééditions, compilations, intégrales, «Avec un livret et des photos!» pour permettre à leurs fidèles pigeons clients de faire la transition sans douleur (et au prix modique d'une marge bénéficiaire de 98%).

Selon moi, la plus grande révolution amenée par le CD est le shuffle, qui permettait d'écouter le même album pour la 150ème fois sans savoir exactement à chaque instant quelle sera la note suivante. C'est d'ailleurs aussi sa principale limite, puisque la lecture aléatoire d'un album de 12 titres ne tient aujourd'hui pas la comparaison face à celle de mon entière musicothèque de 4000. Certains concepteurs fantaisistes sont bien arrivés avec des machines capables de lire 4 ou 8 CDs, mais ça sentait déjà le sursaut d'une technologie moribonde.

Simplement fabuleux!
En tant qu'objet, le CD n'a jamais vraiment transcendé le morceau de plastique qu'il est: même emballé dans un coffret Collector, il fait pâle figure à côté des vinyls et des créations splendides qui étaient faites de leurs pochettes (ou même parfois du disque lui-même... je me souviens de ces maxis de Depeche Mode bariolés, des vraies œuvres d'art!) D'ailleurs les vrais professionnels de la musique, les DJs eux, ne s'y sont pas laissés tromper et n'ont jamais vraiment adopté le CD.

Fr. 17 Nov. - Funeral [The Arcade Fire]

3. L'inéluctable...
Comme souvent, les créateurs et promoteurs du nouveau produit n'ont rien compris à la portée du nouveau concept, tout occupés qu'ils étaient à en tirer le plus de profit possible, et à devoir concentrer le gros de leur créativité sur comment dépenser toute cette nouvelle richesse acquise à ne rien foutre.
«Quand le sage montre la dématérialisation des œuvres, le fou voit de juteuses marges bénéficiaires»... En vendant à 20 Euros un bout de plastique qui en vaut 1 tout au plus, certains esprits (probablement embrumés par une coke jaillissant en quantité proportionnelle) se sont installés confortablement dans cette réalité d'une bonne dizaine d'Euros de profit par bout de plastique vendu et n'ont pas vu venir l'inéluctable évolution du moment où tout ce bazar est devenu possible sans l'intermédiaire encombrant et peu pratique du plastique: Si je veux écouter ma musique chez moi, au bureau, dans la rue, dans ma voiture ou la faire découvrir à un pote, le CD devient un objet encombrant qui n'est utile que lors de la première étape, et encore...

En 2000, un étudiant américain enfonce un pieu en plein cœur du vampirique CD en poussant la dématérialisation une étape plus loin: si c'est digital, ça s'échange sur le réseau. Plus de plastique, plus de pochette, plus de disquaire, plus de vente.

Et en effet, depuis lors, je n'ai probablement plus acheté de CD que lorsque j'ai dû les offrir, parce que pour un cadeau, il faut bien un emballage...

Saturday, December 18, 2010

Do. 16 Nov. - The Castle (suite)

Jeudi matin, après avoir rassemblé une quantité non-négligeable de papiers, timbres, tampons et sceaux, j'ai emmené le tout vers das Migrationsamt, l'antichambre du château, où les manants sont reçus, afin que les papiers puissent être dûment vus, inspectés et validés avant de leur permettre de s'aventurer plus loin sur le territoire national.

L'endroit est très semblable à ce qu'on peut en attendre: un lieu officiel béton-verre(*), où l'on a fait de grands efforts pour effacer toute trace de ludique ou de fantaisie, et bien faire comprendre aux clients qu'ici, Es wird nicht gelacht.

Mais de là à pousser la déco jusqu'à cribler l'entrée d'impacts de balles d'armes à feu, je trouve qu'ils ont poussé le bouchon un peu loin...


A moins que les choses ne ressemblent finalement plus à Al Pacino qu'à Kafka, et que comme on est en décembre et que les quotas d'immigrants sont remplis, c'est comme ça qu'on fait ici pour ne pas les dépasser?...

(*) Ca sonne un peu cocktail cette expression, non? Ça fait un peu Picon-bière ou Vodka-martini, quoi que peu Vodka-martini tout compte fait.